Routine et contre-mesure en psychiatrie.

Me voilà avec un premier cycle de vingt-quatre heures de vie en psychiatrie depuis mon arrivée la veille à 15 heures. Goûter, marcher, dîner, errer, dormir (du moins, essayer), petit-déjeuner, penser, déjeuner, s’ennuyer, cogiter, en bref s’emmerder. L’ennui ! Mais où se trouve le repos dans cette unité ? En hôpital psychiatrique, il n’y a rien de plus épuisant que l’ennui. Je me pose souvent la même question : comment certains patients arrivent à être pliés de rire toute la journée ?
Est-ce une pathologie ? un symptôme ? ou les effets désirables de substances douteuses ? Pour quelques malades c’est clair, c’est le paradis artificiel, mais pour les autres ? Dans tous les cas, cela me donne envie, car je me trouve bien indiffèrent à tout contact humain hormis quelques camarades. Une ou deux bouffées de joint roulé avec du bon tabac, parsemé de résine ou d’herbe de cannabis me décoinceraient sûrement le cul.
Malheureusement, je suis allergique à ce type de stupéfiant. L’alcool ? Mélangé à mon traitement, je n’aurais même pas le temps d’apprécier mon état d’ébriété, je ferais un malaise bien avant… Demander quelque chose de plus puissant à mon chouchou de psychiatre pour me rendre comateux ? Non ! L’idéal serait du Xanax à volonté, ce succulent anxiolytique, ainsi qu’un sédatif, un antidépresseur, le tout sans limites. Je suis devenu en six ans un vrai toxicomane de ces drogues dures que je nomme ainsi.
Les benzos rendent cool, zen, et pour certaines à forte dose, cela permet de dormir en faisant des rêves magnifiques et parfois très exotiques. Les laboratoires pharmaceutiques sont les dealers du peuple et les pharmacies de vrais coffee shops. Attention, il y a un risque majeur avec les benzodiazépines, c’est la très forte dépendance.
Arrêter brutalement cette classe de médicaments rend encore plus fou avec des bouffées d’angoisses aux cimes de la rupture psychique. La souffrance et les effets du manque que cela provoque peuvent être égaux à ceux d’un toxicomane sans sa dose de came. J’ai vécu le sevrage du Xanax, ça fait de gros dégâts au mental et au physique. Mais il y a pire que les benzodiazépines, ce sont les neuroleptiques : Haldol, Risperdale, et j’en passe afin que mon essai ne se transforme pas en Vidal. En principe, ces neuroleptiques sont destinés aux patients ayant de gros problèmes mentaux : délire, psychose, hallucination, etc.
Chaque neuroleptique a un usage bien précis. Cependant, en les couplant à d’autres médicaments, ils peuvent se transformer en camisole chimique. Si certains docteurs doutent de mes avis personnels de patient expérimenté, je les invite volontiers à tester certaines de ces merdes. Bien sûr, pour certains malades ayant perdu la raison, il n’y a pas d’autres solutions, il faut doser…
Mais pour les autres, une fois la crise, ou délire, passée, inutile de les droguer à trop haute dose. Malheureusement, après avoir fait deux secteurs psychiatriques, ça se passe ainsi, on shoote fort, et les docteurs testent tout le Vidal pour nourrir les patients de bonbons et avoir la paix dans les unités. Je ne veux pas pour autant généraliser et stigmatiser tous les soignants, mais je l’ai vécu avec mes camarades, je n’écris pas un roman ni une fiction. Tous ces problèmes sont récurrents.